C'est vrai 102 et moi avons demandé notre mutation, mais pour le moment nous ne savons pas si elle sera accordée.

Hier soir nous avons assisté à la remise des Oscars (comprendre départs).

Il est vrai que peu de personnes étaient au courant, pour 102 et moi.

En cette occasion chacun doit être à l'honneur.

Les nominés sont :

le chef d'établissement, notre gestionnaire, des profs, des assistants pédagogiques et nous pardon si j'ai oublié quelqu'un dans le générique.

Attention nous n'avions pas du tout prévu de nous retrouver ici pour nous (je sais c'est compliqué, mais la vie est compliquée, moi pas mieux).

Notre équipe était là pour soutenir notre gestionnaire. Elle n'a pas très envie de partir et nous on voudrait qu'elle reste. Mais ça ne va pas être possible tout ça. On voulait l'attacher au portail automatique, m'enfin il y aurait eu un blême, on n'aurait pas pu le refermer avec le risque de l'abîmer (je parle d'elle, bande de mauvaises langues). Elle a fait notre éloge. Et nous le faisons à notre tour : humaine, il est d'ailleurs très difficile d'énumérer ces qualités, car elle tient une place importante dans nos coeurs.

Si j'avais eu à faire un discours, il m'aurait été difficile d'aller jusqu'au bout (oui avec 4 paquets de mouchoirs en papier, des bouchons dans le nez, des lunettes de soleil pour cacher les yeux bouffis). qu'aurai-je dit d'ailleurs ?

Lorsque 102 a été nommée, tous les regards scannaient son visage. 102, a été aussi étonnée que les autres (y sont pressés qu'on parte). Elle n'était pas prête à partir, pas du tout, enfin pas tout de suite. Tout le monde a marqué un arrêt sur image (comme dans les films, vous voyez ? Non ? Mais oui quand on se repasse le film à l'envers ! Non ? Tant Pis). 102 toujours, le sourire au lèvres, qu'elle a dit (c'est vrai ça et elle est vraiment formidable). Elle a pris le bouquet qu'on lui tendait et est retourné s'asseoir.

Entre temps bb s'est effondrée, elle se cachait le visage avec sa petite main, mon loukoum a suivi, puis mimi, j'avais les yeux qui commençaient à picoter.

Nous nous sommes toutes regardées (comme dans un cauchemar). Je m'étais assise dans un coin pour ne pas qu'on ne me voit, c'était raté ! On m'a nommé ! Là je me sentais mal à l'aise, les yeux étonnés se sont tournés vers moi, (ils ont soudain fait le rapprochement entre le bouquet et la personne) et ont balayé de leur visée laser ma petite personne (toute petite que je voulais me faire, même que j'aurai voulu entrer dans un trou de fourmis), moi j'étais aussi surprise qu'eux, nous étions dans la 4ème dimension. Bb nous a remis une couche de larmes, mon loukoum aussi, mimi aussi, 102 me regardait, je la regardais. Devant moi se trouvait Cricri, les yeux embuhés elle pleurait, elle s'est tourné vers moi et m'a demandé pourquoi j'avais fait ça, je l'ai embrassé en essuyant ses larmes qui n'arrêtaient pas de couler (comme un robinet ouvert). J'ai soudain eu l'impression d'être hors du temps, mon coeur s'est serré, je n'ai même pas entendu le reste, j'ai pris le bouquet que l'on me tendait, j'ai fait la bise et je suis retourné à ma place.

Soudain, quelque chose d'inattendu s'est produit : Souricette, une prof, s'est soudain avancé pour parler :

- Attendez, attendez, j'ai quelque chose à ajouter. Nous n'aurons plus l'occasion de les voir fredonner et rythmer les chansons en nettoyant les classes (elle a dit ça en secouant la tête comme les rockeuses, c'est vrai qu'on fait ça) et c'est bien dommage. Je tiens à préciser que le matin les classes étaient très propres et sentaient bon.

Et Vlan ! j'ai été comme scotchée sur ma chaise, je ne m'atendais pas à ça, je n'ai pas pu me lever. Je l'ai regardé et je l'ai timidement remercié.

Lorsque la cérémonie est arrivée à sa fin, nous avons tous été conviés à prendre des boissons rafraîchissantes accompagnées de pizzas .

Je suis allé faire un gros bisous à Souricette et à sa voisine.

J'ai du avaler quelque chose de corsé pour avoir du courage.

Si j'avais fait un discours...Je ne sais pas par quoi j'aurais commencé, j'ai déjà tant exprimé ce que je ressentais.

Nous ne sommes pas là pour nous faire la guerre des classes mais pour cohabiter (je ne fais pas de politique). Certains ont fait plus d'études, d'autres moins, comment savoir qui est plus intelligent et qui est plus important ? De toute manière nous finissons tous de la même façon et les asticots ils s'en foutent de savoir à quelle classe nous appartenons, ils savent déjà à quelle sauce ils nous mangerons.

Cette année j'ai appris beaucoup de choses sur les êtres humains que nous sommes et cela m'a ouvert les yeux.

Aujourd'hui je sais que je pars officiellement.

Partir un jour, partir quand même.

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